Le miracle du pardon

 

Par Joseph Walker

 

 

― Joe ? C’est toi ?

Je détournai mon attention du match de baseball pour la porter sur la femme qui m’interpellait : son visage m’était familier…

― Marci ? fis-je.

― Oui, c’est bien toi ! s’exclama-t-elle avec un grand sourire. Ça alors ! ça me fait plaisir de te revoir !

 

Ça me faisait plaisir à moi aussi. De temps à autre, au cours des années passées, il m’était arrivé de penser à elle et de me demander ce qu’elle devenait. Un ami commun m’avait mentionné qu’elle avait traversé des moments difficiles, et je m’étais dit que j’aimerais bien la retrouver. Néanmoins, le fait de tomber sur elle à l’occasion de cet événement sportif était pour le moins inattendu.

 

Nous avons passé quelques minutes à nous raconter notre vie : les enfants et petits enfants, les conjoints, les maisons, les études, les loisirs, etc. N’est-il pas étrange qu’on puisse résumer 32 années de vie en aussi peu de mots ? Nous sommes passés aux questions rituelles : « As-tu revu untel ? » ou « Au fait, sais-tu que… » et nous nous sommes rappelé les bons vieux jours, ainsi que les moins bons…

Puis Marci se fit silencieuse quelques instants, en regardant dans la direction des badauds qui se pressaient autour de la buvette.

― Tu sais, Joe, reprit-elle, j’ai toujours voulu te le dire… Tu sais… je regrette…, je regrette beaucoup la façon dont je t’ai traité.

Je me sentis un brin mal à l’aise. Quand on s’est fait plaquer, on n’aime pas trop raviver ce genre de souvenir…

― C’est OK. Y a pas vraiment de problème, répondis-je, en me disant qu’au moins à présent, il n’y en avait plus.

― Mais j’ai été stupide, poursuivit-elle.

Oui, tu l’as été, pensai-je, mais je me contentai de lui dire :

― Nous étions jeunes, l’un et l’autre.

― Je sais, repartit-elle. Mais ce n’est pas une raison pour…

Après un moment d’hésitation, elle ajouta :

― Ça m’a toujours dérangée de me rappeler à quel point j’ai été méchante envers toi. Et j’ai toujours voulu te dire que je regrettais... Eh bien voilà… je regrette.

Le sourire qui illuminait son visage était sincère et chaleureux. Et dans ses yeux, il y avait quelque chose -- comme un immense soulagement -- qui faisait fondre en moi tous les vestiges de la froide rancœur qui s’était accumulée au fil des ans, depuis qu’elle avait joué avec mon cœur.

― OK, fis-je. J’accepte tes excuses !

 

Gagné par la magie de ce moment si doux, je la serrai quelques secondes dans mes bras. Juste à ce moment-là, la foule fit éclater un tonnerre d’applaudissements, et, l’un comme l’autre, nous nous laissâmes reprendre par le jeu. Lorsqu’un peu plus tard, je la cherchai du regard, elle avait disparu. Mais dans mon cœur demeurait la merveilleuse et chaleureuse sensation causée par notre brève conversation, et, jusqu’à ce jour, j’éprouve la même émotion chaque fois que j’y repense.

 

Nous traînons tous avec nous des souvenirs qui nous font souffrir, qui nous mettent mal à l’aise, de choses que nous avons faites ou négligé de faire, de paroles que nous avons prononcées ou que nous aurions dû prononcer. Et nous portons tous des blessures ― parfois légères, parfois plus graves ― que les autres nous ont infligées. Même des années plus tard, le baume guérisseur du pardon a le pouvoir de soulager notre conscience troublée, et d’apporter la paix à notre âme blessée,

 

Bien sûr, il ne suffit pas de dire « je regrette », ou « je te pardonne ». Assurément, ces paroles sont douées d’un grand pouvoir, mais pas dans la bouche de ceux qui ne sont pas sincères, de ceux qui cherchent à contrôler, à exploiter ou à manipuler.

 

Toutefois, lorsque ces paroles sont profondément senties, et qu’elles sont exprimées avec sincérité, elles peuvent ouvrir la porte aux miracles du cœur et de l’âme : les miracles du pardon.

 

Même au beau milieu d’un match de baseball.                                             

Traduction de l’anglais : Berniris

 

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